Portraits de lauréats Eiffel

ISIK Goksu (2019)   Turquie : le droit à un procès équitable pour les infractions terroristes

Goksu Isik compte parmi les trois lauréats de la bourse Eiffel de l’Université de Strasbourg pour l’année 2019/2020. Arrivée en septembre en France pour finir sa thèse de droit comparé, la jeune femme profite de la proximité avec les instances européennes pour mener ses recherches.
Goksu Isik réalise un doctorat codirigé avec l’université turque Galatasaray.

Après des études de droit en Turquie, Goksu Isik réalise un master en droits de l’Homme à l’Université de Strasbourg. Elle s’y inscrit ensuite en doctorat au sein du Centre d'études internationales et européennes codirigé avec l’université turque Galatasaray. « Pour des raisons financières j’ai effectué mes deux premières années de recherche en Turquie », raconte la doctorante qui profite de la bourse Eiffel pour finir sa thèse dans l’Hexagone.

« Cette bourse d’un an me permet de me concentrer sur la rédaction mais aussi de me rapprocher des instances européennes pour participer à des audiences publiques. » Son sujet ? « Le droit à un procès équitable pour les infractions terroristes : Les développements en droit turc du point de vue des droits international et européen. » Mais attention pas question de faire de la politique. « Je reste uniquement dans le domaine juridique. »

« La justification du renforcement d’un régime autoritaire »

Depuis la tentative de coup d’état de 2016, des changements ont eu lieu au niveau de la législation et du système parlementaire turc. « Ce qui interroge sur le respect de la convention européenne des droits de l’homme », explique la jeune chercheuse qui précise que le gouvernement en a profité pour renforcer le pouvoir donné aux autorités exécutives avec l’application d’un droit spécifique pour les terroristes considérés comme des ennemis.

Des changements qui interrogent sur le respect du droit à un procès équitable. « Une personne soupçonnée d’actes terroristes est jugée pour sa dangerosité plutôt que pour ses actes, les mesures de sûreté s’appliquent au lieu des sanctions pénales, les durées de la détention et de la garde à vue sont prolongées. La question étant alors de savoir si les personnes sont condamnées pour ce qu’elles sont plus que ce qu’elles font ? »

Autre problème, « en Turquie, ce crime est défini de manière vague et il y a une tendance à mélanger le terrorisme ayant des buts religieux, le terrorisme révolutionnaire et tous les autres actes commis contre l’autorité étatique », détaille Goksu Isik. Et de conclure : « L’accusation de terrorisme est toujours un moyen de justification du renforcement d’un régime autoritaire. En France, des changements au niveau juridique ont également eu lieu après les attentats, au nom de la lutte contre le terrorisme... »

Marion Riegert

BHATTACHARJEE Romel (2018)

Lauréat de la bourse Eiffel, Romel Bhattacharjee est venu passer 10 mois en France pour effectuer ses recherches au sein du laboratoire ICube de l’Université de Strasbourg. Seul doctorant de l’université à bénéficier du dispositif, ce spécialiste en ingénierie biomédicale entend bien profiter au maximum de cet échange qui pourrait déboucher sur une collaboration bien plus longue.

Romel Bhattacharjee effectue depuis 2015 une thèse au sein de la « School of Biomedical Engineering » de l’Indian institutes of technology (IIT-BHU) de Varanasi, un des centres d'excellence du pays dans le domaine des sciences pour l'ingénieur. Son sujet ? Le recalage (comprenez la mise en correspondance d’images) déformable et la fusion d’images 3D provenant de modalités différentes en imagerie médicale (IRM, scanner, ultrasons…)

« L’objectif de ce travail est d’éradiquer les problèmes existants en développant des algorithmes de recalage non rigide plus rapides utilisant des techniques d’apprentissage profond à l’aide des réseaux de neurones convolutionnels (CNN), capables de mettre en correspondance et de fusionner les images avec une erreur minimale. Cela va mener à la conception future de dispositifs d'assistance pour une chirurgie guidée par l'image. » Un sujet exigeant, qui en dépit de nombreux travaux depuis les années 1990, soulève des verrous scientifiques non résolus dans les situations rencontrées en clinique.

Une collaboration internationale

A la recherche d’un dispositif international permettant d’aller étudier à l’étranger, le jeune homme découvre le programme Eiffel. « J’ai alors cherché un laboratoire dans mon domaine et j’ai découvert l’équipe de recherche Images, modélisation, apprentissage, géométrie et statistique d’ICube. J’étais déjà venu en France, à Paris, j’avais apprécié la culture du pays », raconte en anglais le doctorant de 27 ans qui décide de tenter sa chance.

Connaissant l'excellence et la sélectivité des IIT en Inde, Fabrice Heitz, directeur-adjoint du laboratoire ICube, n’a pas longtemps hésité à accepter de co-diriger les travaux de thèse du jeune homme. Une candidature en adéquation avec les activités de l’équipe du laboratoire reconnue dans le domaine du recalage d’images médicales sur lequel elle travaille depuis plus de 20 ans et qui permettra d’engager une collaboration internationale durable avec l’IIT de Varanasi.

Des techniques différentes

Arrivé en France en septembre dernier, Romel Bhattacharjee accède ainsi à des techniques d’imagerie différentes de celles utilisées en Inde. « Ce que j’apprécie aussi c’est qu’ici, dans les laboratoires, il y a plus de strates avec des assistants, des chercheurs, des ingénieurs de recherche… on peut parler plus directement avec des personnes de son sujet. En Inde, il y a juste notre superviseur qui fait de son mieux pour nous accorder du temps en plus de son travail académique et pédagogique. »

Autre changement : « En France, avec le programme Eiffel, j’ai plus de temps pour m’investir dans mon projet. En Inde, je devais travailler 8h par semaine pour accompagner d’autres étudiants », souligne le doctorant qui a découvert à son arrivée un environnement urbain complétement différent, plus calme et au trafic moins dense. Romel Bhattacharjee devrait rester à Strasbourg jusqu’en juillet mais il songe déjà à revenir y effectuer un post-doctorat. D’ici là, le jeune homme prévoit de suivre un programme pour apprendre le français.

Marion Riegert